Le e-commerce a longtemps été perçu par les grandes sociétés françaises comme un canal de vente additionnel marginal ou comme une simple vitrine, un coût marketing comme un autre. Désormais, les usages ont fait du e-commerce un véritable pilier de croissance. Que la stratégie e-commerce vise à toucher une clientèle plus large, à réduire les frictions du parcours client, à maîtriser sa distribution ou à entretenir une relation directe, les objectifs sont multiples mais la problématique est toujours la même : l’activité e-commerce est-elle suffisamment rentable?
Le e-commerce est devenu un impératif stratégique mais, en tant que canal de vente, le Comex n’est pas prêt à en sacrifier la marge. Mais quelle marge est-il raisonnablement en droit d’attendre de ce levier?
Bien plus qu’un canal, le e-commerce est devenu un pilier de croissance et de rentabilité
Si le lancement d’une stratégie e-commerce génère souvent beaucoup d’enthousiasme au cours des premiers mois, les enjeux budgétaires de l’entreprise viennent souvent rapidement soulever la question de la rentabilité de l’activité e-commerce. En effet, il s’agit d’une activité trop souvent perçue comme devant être rentable immédiatement, ou presque. Comme toutes les activités commerciales, ce canal nécessite une stratégie de long terme claire, des investissements et une gestion rigoureuse avant d’atteindre une rentabilité solide.
Entre mythes et réalités : quelle marge peut-on attendre d’une activité e-commerce?
Bien évidemment, il n’existe pas de « taux de marge e-commerce » universel (les plus déçus pourront arrêter ici la lecture de cet article, je ne leur en voudrai pas ;-)). Plusieurs facteurs clés entrent en compte pour définir des attentes réalistes :
- Le secteur d’activité et la nature des produits : e-commerce ou non, les marges varient considérablement d’un secteur à l’autre et en fonction des produits.
- Le modèle économique : un acteur omnicanal aura des coûts liés à son modèle traditionnel, qui est parfois lié au nouveau modèle de distribution (des retours possible en magasin par exemple). Il est donc difficilement comparable à un acteur pure-player dont la structure de coût a été construite pour le e-commerce.Si le modèle DTC semble offrir des marges plus importantes en court-circuitant les distributeurs, il implique des investissements marketing et logistiques significatifs.
- Le stade de développement de l’activité e-commerce : les phases de lancement ou une activité en hypercroissance génère généralement des coûts marketing importants qui pèsent sur la marge. Mais il ne s’agit pas de situation pérenne. La rentabilité s’améliore généralement avec la maturité et l’optimisation des coûts d’acquisition.
- La stratégie de prix : voilà un bien grand sujet lorsqu’on se lance en e-commerce, parfois en frontal avec les distributeurs -qu’il ne faut pas contrarier- ou Amazon qui pratique des prix souvent très compétitifs. Alignement sur les prix du marché, différenciation par une proposition de valeur unique, stratégies promotionnelles… chaque approche a un impact direct sur la marge (et sur le volume, qui est à prendre en compte également!).
- L’efficacité opérationnelle : c’est généralement tout l’enjeu d’un business case bien ficelé. Quelles seront les niveaux d’optimisation possibles de la chaîne logistique, de la gestion des stocks, des coûts d’acquisition client (CAC), du taux de conversion, du panier moyen, du taux de rétention… tous ces éléments ont un grand impact sur la rentabilité à long terme.
En trame de fond, il est donc primordial de se demander, avant de lancer une activité e-commerce, combien de temps le Comex accepte-t-il de laisser à l’équipe ecom pour atteindre une rentabilité pérenne? Dans la grande majorité des cas, des temps plutôt courts impliquent des investissements de départ bien plus élevés. Inutile donc d’initier ces réflexions lorsque l’on attend du e-commerce un ROI rapide avec des investissements de départ faibles (ou, pire, des investissements de départ qui font l’objet de coupes budgétaires successives, sans accepter de toucher aux objectifs de départ).
De quoi se parle-t-on exactement lorsque l’on mentionne la marge e-commerce?
Puisqu’il est essentiel, même en interne, de toujours bien définir les indicateurs dont on se parle (ainsi que leur source), voici quelques précisions :
- La marge brute : elle peut varier considérablement, de 20% à 70% ou plus, en fonction des facteurs mentionnés ci-dessus.
- La marge nette : c’est l’indicateur le plus important pour le Comex. A long terme, c’est-à-dire lorsque l’activité e-commerce a atteint son stade de maturité, une marge nette de 5% à 15% est un objectif réaliste.
Il est crucial de bien comprendre les leviers pour y parvenir.
Au-delà des tendances : comprendre les clefs de la rentabilité e-commerce
Si l’IA et la personnalisation occupent actuellement le devant de la scène (je ne mentionne pas ici le social selling, mon article se concentrant sur les stratégies e-commerce directes) et peuvent influencer l’ensemble des leviers décrits ci-dessous, il est primordial de revenir aux basiques de la création de marge e-commerce et sur une exécution parfaite. Voici les fondamentaux en question :
1. La maîtrise des coûts d’acquisition ou l’art d’acquérir efficacement
Le CAC, souvent mentionné ces dernières années comme un mal nécessaire en augmentation constante, constitue un élément non négligeable impactant directement la rentabilité. Si une approche multicanale combinant long terme et court terme est indispensable, avec un tracking permanent et une réévaluation régulière, elle va de paire avec une optimisation continue de la conversion.
2. La conversion : un travail de fonds pour rentabiliser les efforts en acquisition
Il s’agit d’un point d’attention important dans les équipes e-commerce, mais pas toujours au Comex (cet exemple en est l’illustration parfaite) : le travail sur l’UX, dans l’optique d’optimiser le taux de conversion du site est le meilleur moyen de tirer profit au maximum des coûts d’acquisition. En d’autres termes : les coûts d’acquisition seront davantage rentabilisés avec des investissements au long court sur l’UX du site. Et cela vaut à toutes les étapes du parcours, il est donc essentiel de ne couper les investissements en tests utilisateurs, tracking, recherche UX et investissements dans les moyens de paiement disponibles.
3. L’up-sell et le cross-sell : augmenter la marge de chaque commande
Toujours dans la même optique de tirer profit au maximum de chaque client acquis, l’augmentation du panier moyen est un levier incontournable également. On parle de stratégies d’upsell lorsqu’il s’agit de vendre un produit similaire dans une gamme supérieure ou en plus grande quantité via les lots ou de cross-sell lorsqu’il s’agit de compléter la commande par produits complémentaires. L’idée est donc, pour les mêmes frais fixes (acquisition, logistique, transport, IT), de maximiser le revenu par commande.
4. L’excellence opérationnelle en trame de fond
Système de prévision des ventes, des sollicitations au service clients, d’optimisation des stocks, d’automatisation des tâches manuelles : l’idée est de maîtriser les coûts en bon chef.fe de famille pour éviter les budgets qui dérapent lentement mais sûrement, d’année en année.
5. Un client fidèle vaut mieux qu’un client nouvellement acquis
L’acquisition coûte cher, et pèse de plus en plus lourd dans les coûts marketing. Alors multiplier le nombre de commandes des clients en base est donc bien plus générateur de marge, même cela n’empêche jamais de devoir continuer l’acquisition, churn et nécessaire croissance obligent.
Au même titre que le travail d’UX en continu, le programme de fidélité, un service client de qualité et une personnalisation de la communication sont des investissements qui augmentation le repeat business, maximisant donc la valeur d’un client acquis.
6. La stratégie gagnante se cache dans votre data
Quand bien même vous n’auriez accès qu’à Google Analytics, votre société dispose d’une somme de données vertigineuse, parmi lesquelles se cachent de nombreuses réponses à vos questions (ou en osent de nouvelles!). Souvent, ces données ne sont pas exploitées ou servent seulement à assurer un suivi sous forme de reporting.
En analysant ces données, vous pourriez identifier des points d’amélioration notamment sur le parcours d’achat ou pour un segment particulier de clients et ainsi, adopter une stratégie adaptée?
Bonne nouvelle, votre Comex peut attendre une marge ambitieuse… mais pas sans moyens
Vous l’aurez compris, il n’y a pas de « marge-type » à attendre du e-commerce mais l’activité e-commerce peut significativement contribuer à la rentabilité de la société, à condition que ces attentes soient alignées sur les réalités du marché, le modèle économique, et le niveau de maturité de l’activité en ligne, et sous conditions que les moyens déployés soient suffisant pour attendre un niveau de mature correct avant d’attendre une marge pérenne.