Des attentes consommateurs en évolution
La logistique, cœur battant du e-commerce, est au cœur des enjeux environnementaux liés à ce secteur. Les livraisons à domicile, qui ont explosé ces dernières années, génèrent d’importantes émissions de gaz à effet de serre et contribuent à la congestion urbaine. Les consommateurs, attachés à la commodité de la livraison à domicile, mais conscients de l’impact environnemental de leurs achats, notamment en ce qui concerne la livraison (avec quelques erreurs de perception, nous y reviendrons…), deviennent de plus en plus exigeants en matière de durabilité : 41% des consommateurs prennent régulièrement des décisions d’achat en fonction de l’impact environnement du produit ou de l’entreprise.1
Suite à l’étude réalisée par Descartes / Sapion Research, le constat est sans appel. Tous les indicateurs sont réunis pour adapter sa logistique sans délai. Les jeunes générations, qui représenteront bientôt la majorité des consommateurs, sont particulièrement sensibles aux enjeux environnementaux et sont prêtes à agir en conséquence.
Les consommateurs dans leur ensemble sont prêts à acheter davantage aux entreprises qui démontrent de manière mesurable que leur chaîne d’approvisionnement est plus durable que celle de leurs concurrents.
Mais cela va plus loin encore : 27% ont déjà cessé leurs achats auprès d’une entreprise en raison de pratiques de livraison peu respectueuses de l’environnement.
Alors, comment concilier ces deux exigences ? C’est l’un des défis majeurs auxquels sont confrontés les acteurs du e-commerce.
S’ajoute à ce défi une nécessité de transparence, essentielle pour gagner la confiance des consommateurs.
Des attentes en décalage avec les impacts écologiques réels !
L’étude met en évidence une certaine confusion chez les consommateurs quant à l’impact environnemental des différentes options de livraison :
- Privilégier le retrait en magasin. La livraison à domicile est le choix préféré des consommateurs en raison de sa commodité. Pourtant, de nombreux consommateurs pensent que se rendre en magasin pour retirer sa commande est plus écologique que de se faire livrer à domicile. Cette perception n’est pas toujours exacte, car elle ne prend pas en compte l’ensemble des facteurs, tels que les déplacements en voiture des consommateurs ou l’impact du fonctionnement du magasin lui-même.
- Sous-estimer l’impact de la livraison à domicile. Les consommateurs ont tendance à surestimer l’impact environnemental de la livraison à domicile, en particulier pour les petites commandes. En réalité, l’impact dépend de nombreux facteurs, tels que le mode de transport utilisé, la distance parcourue et le taux de remplissage des véhicules.
- Ignorer l’impact des emballages. Les consommateurs accordent moins d’importance à l’impact des emballages sur l’environnement, alors que ceux-ci représentent une part importante des déchets générés par le e-commerce.
Plusieurs facteurs expliquent ces divergences entre la perception des consommateurs et la réalité
- Manque d’informations claires et transparentes. Les entreprises ne communiquent pas toujours de manière suffisamment claire sur l’impact environnemental de leurs différentes options de livraison.
- Complexité des calculs. L’évaluation de l’impact environnemental d’une livraison est complexe et dépend de nombreux facteurs, ce qui rend difficile pour les consommateurs de comparer les différentes options.
- Influence des campagnes marketing. Les campagnes marketing des entreprises peuvent parfois induire en erreur les consommateurs en mettant en avant des aspects positifs de leurs offres sans mentionner les impacts négatifs (je ne dénonce personne, mais il faut bien le reconnaître…)
En résultent des impacts sur les choix des consommateurs et, par conséquent, sur l’efficacité des initiatives de logistique durable. Si les consommateurs choisissent des options qu’ils pensent être plus écologiques mais qui ne le sont pas en réalité, l’impact positif des efforts des entreprises en est limité.
Une adaptation aux défis environnementaux devenue urgente
Pour remédier à cette situation, il est essentiel que les e-commerçants s’adaptent et :
- Communiquent de manière transparente sur l’impact environnemental de leurs différentes options de livraison (le calculateur CO2 de Colissimo est spécifiquement conçu pour les e-marchands et permet d’estimer l’empreinte carbone de leurs livraisons).
- Simplifient la compréhension de ces informations pour les consommateurs.
- Mettent à disposition des outils d’évaluation de l’empreinte carbone des commandes.
La mise en place progressive d’une logistique plus durable réside principalement dans la réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre) du transport et la réduction des déchets utilisés pour le packaging. Les défis sont nombreux et la mise en oeuvre de telles pratiques n’est pas sans défis et nécessite une volonté claire du top management, parce qu’elle fera face à une résistance au changement certaine.
D’autre part, les entreprises peuvent être réticentes à investir dans des solutions durables en raison de l’incertitude quant au retour sur investissement, et pour cause : difficile de quantifier l’impact d’une démarche durable sur les comportements d’achat.
Concrètement, quelle roadmap pour rendre votre logistique e-commerce plus respectueuse de l’environnement?
C’est basique, de nombreuses activités e-commerce l’ont déjà mis en place et certains dès le début, mais pour les retardataires, on commence par l’optimisation des itinéraires et regroupement des livraisons.
Optimisation de la livraison
- Planification dynamique des itinéraires. L’utilisation d’algorithmes intelligents permet d’optimiser les trajets des véhicules de livraison, réduisant ainsi les distances parcourues et les émissions de CO2. Il existe des applications tierces expertes dans ce domaine (ex: Urbantz).
- Groupes de livraisons. Le regroupement des colis pour une même zone géographique permet de diminuer le nombre de véhicules en circulation et de réduire les émissions. Cela implique souvent des délais de livraison allongés, mais 84% des interrogés se disent prêts à attendre plus longtemps leur livraison si cela découle d’un processus plus respectueux de l’environnement2. On parle de « slow delivery ».
- Livraison en fin de journée. En regroupant les livraisons en fin de journée, il est possible d’optimiser les tournées et de réduire les émissions liées aux démarrages à froid des moteurs.
Pour aller plus loin, on remet en question les modes de transport habituels…
- Véhicules électriques. L’utilisation de véhicules électriques pour la livraison du dernier kilomètre est une solution de plus en plus répandue, permettant de réduire les émissions locales. Colissimo possède en France la plus grande flotte de véhicules électrique en Europe avec une ambition de de livrer 50% des colis en France en mode doux ou en véhicules faibles émissions à l’horizon 2025.
- Vélos cargo et trottinettes électriques. Pour les petites distances, particulièrement dans les hypercentres, y compris les zones piétonnes, ces modes de transport sont particulièrement adaptés et permettent de réduire la congestion urbaine. Véhiposte, filiale de location longue durée automobile du groupe créée en 2006, finance et gère à ce jour plus de 700 vélos cargos.
- Livraison fluviale ou ferroviaire. Pour les longues distances, le recours au transport fluvial ou ferroviaire peut être une alternative plus écologique au transport routier.
…et on optimise les emballages !
Je ne pointerai personne du doigt, mais certains géants du secteur sont experts plus livrer plus d’emballages que de produits, avec des cartons imprimés de chaque côté… Alors par quoi devraient-ils commencer?
- Emballages recyclables et biodégradables. Privilégier des matériaux recyclables ou biodégradables pour les emballages permet de réduire les déchets et la pollution.
- Emballages sur mesure. Adapter la taille des emballages aux produits permet de réduire le volume de matériaux utilisés et d’optimiser l’espace dans les véhicules de livraison. C’est effectivement surtout valable pour une gamme de produits peu large mais il est toujours possible d’étudier les paniers moyens pour penser des cartons qui répondront aux commandes les plus fréquentes, et commander des carotns en grandes quantités vous permettra d’être moins dépendant de la hausse du prix du carton l’année suivante !
- Réduction des emballages inutiles. Limiter l’utilisation d’emballages secondaires et privilégier des solutions d’emballage minimalistes.
Développement de points de retrait
- Click & Collect. Proposer aux clients de retirer leurs commandes en magasin ou dans des points relais permet de réduire le nombre de livraisons à domicile et de diminuer le nombre de camion de messagerie dans les zones encombrées.
- Casiers connectés. Les casiers connectés permettent aux clients de récupérer leurs colis à tout moment, sans avoir à attendre le livreur.
- Point de retrait chez ses voisins. Des start-ups permettent de renforcer le maillage géographique en proposant de retirer ses colis chez des voisins qui y voient un complément de revenus. C’est le cas de Welco, Pickme ou Cosy Colis.
Collaboration avec des transporteurs engagés
- Partenariats avec des transporteurs éco-responsables. Choisissez des transporteurs qui mettent en œuvre des pratiques durables (véhicules électriques, optimisation des itinéraires, etc.).
- Exigences environnementales. Imposez des exigences environnementales à ses partenaires logistiques.
Est-on vraiment sûr que nos consommateurs soient réceptifs à ces efforts?
Selon l’étude Descartes / SAPIO Research, 60% des consommateurs sont assez/très intéressés par des services de livraison 100% neutres en carbones, 55% à l’idée de grouper toutes ses commandes sur une période donnée en une seule lors de livraisons multiples dans sa région.*
Les contraintes et la complexité à mettre en place une logistique durable
Complexité organisationnelle
- Coordination des acteurs. La logistique e-commerce implique de nombreux acteurs (transporteurs, entrepôts, etc.). Coordonner tous ces acteurs pour mettre en place des pratiques durables peut s’avérer complexe.
- Adaptation des systèmes d’information. Les systèmes d’information existants doivent souvent être adaptés pour prendre en compte les nouveaux paramètres liés à la durabilité (calcul d’empreinte carbone, suivi des livraisons en temps réel, etc.).
Contraintes techniques
- Disponibilité des infrastructures. Le développement de la logistique durable nécessite des infrastructures adaptées (bornes de recharge pour véhicules électriques, points relais, etc.).
- Limitations technologiques. Certaines technologies, comme la livraison par drones, sont encore en développement et présentent des contraintes techniques et réglementaires.
Résistance au changement
- Inertie des organisations. Les entreprises peuvent être réticentes à investir dans des solutions durables en raison de l’incertitude quant au retour sur investissement.
- Habitudes de consommation. Les consommateurs eux-mêmes peuvent avoir des habitudes de consommation ancrées et être réticents à modifier leurs comportements.
La question du DAF : qui supporte les coûts supplémentaires?!
Une évolution vert une écologie plus durable n’est pas sans coût :
- Investissements initiaux. Le passage à une logistique durable nécessite des investissements importants dans de nouveaux équipements (véhicules électriques, systèmes de suivi en temps réel, etc.), des formations et de nouvelles organisations.
- Augmentation des coûts d’exploitation. L’utilisation de matériaux recyclables, le recours à des énergies renouvelables et l’optimisation des itinéraires peuvent entraîner une hausse des coûts à court terme.
- Mais il faut également prendre en compte des réductions des coûts liés aux matières premières (emballages, énergie) et au groupement des commandes : la réduction de déplacements de véhicules de livraison implique des économies qui peuvent permettent aux e-commerçants de proposer des tarifs de livraison plus compétitifs tout en améliorant leur rentabilité globale.
Les consommateurs sont-ils prêts à payer la facture?
Certains sites proposent des options durables (choix de l’emballage, du transporteur) avec un léger surcoût pour le consommateurs. Promesse de Fleurs, site e-commerce référent dans le monde la jardinerie, propose une option d’emballage sans plastique moyennant un surcoût d’un euro pour le consommateur.
En résumé, la mise en place d’une logistique durable nécessite une approche globale qui prend en compte les aspects économiques, environnementaux et sociaux. Elle implique des investissements importants, une réorganisation des processus et une collaboration étroite entre tous les acteurs de la chaîne logistique. Mais tant d’un point de vue écologique que d’un point des attentes du consommateur, cette transformation devient urgente.
- Les chiffres sont issues d’une étude Descartes / Sapion Research que je vous invite à découvrir. ↩︎
- Baromètre des nouvelles tendances de consommation 2023 publié par le cabinet Wavestone. ↩︎